dimanche 11 avril 2004

Les Démocraties face à la Realpolitik

Par une chronique parue dans Le Figaro du 09 avril et intitulée « Realpolitik et droits de l’homme », Michel Rocard -membre du Bureau National du Parti Socialiste, Ancien Premier Ministre Français et actuel Eurodéputé- ‘’excuse’’ les raisons de la politique internationale française, voire européenne, et accessoirement nous communique sa ‘’recette’’ future pour pallier -un minimum- aux carences de ces démocraties, sacrifiant leurs propres valeurs et principes pour des intérêts mercantiles et politiques.

Ce qui a servi de tremplin à son article, est la récente visite diplomatique de Jacques Chirac à Vladimir Poutine en Russie qui, selon lui, « lui a valu d'immenses volées de bois vert, et des critiques à haut degré d'indignation » de par la politique tchétchène de ce dernier. Critiques et indignations qui n’avaient pas lieu d’être, évidemment, quand cette gauche ‘’morale’’ encourageait ce même Jacques Chirac à accueillir le Président Russe avec tapis rouge à l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle afin de faire front commun contre les USA. Ce ‘’censeur’’ de gauche a les indignations sélectives ; la vague rose étant, depuis, passée par les régions. Mais là n’est pas l’essentiel.

Pour Michel Rocard, « La faute majeure de Chirac, dans cet épisode, est moins dans ce qu'il a fait que dans le manque d'explication ». Car la Realpolitik (c’est de cela qu’il s’agit) « c'est toujours et partout celle que l'on fait. Et on la fait dans toute la mesure où il n'est pas possible de faire mieux ni autrement. Dès lors, faut-il en avoir honte ? ». De par ce constat dressé, ordonnant la conclusion, cet homme politique s’engage à combattre « l'espèce d'opprobre qui affecte la Realpolitik, (…) [ce] mot [qui] est employé comme s'il était synonyme d'indignité ».

Bataille qui lui permet en conséquence d’assurer d’une part « que toute politique poursuit des intérêts avant d'appliquer des principes, et qu'en politique on s'accommode parfois de moyens que la morale réprouve » et d’autre part de légitimer également « Le souci de préserver des activités commerciales créatrices d'emplois nombreux chez l'autre comme chez nous (…) ».

D’où l’incongruité à ‘’sévir’’ contre, par exemple, « La Chine (qui) fait une politique inacceptable au Tibet » ou encore la Russie en Tchétchènie qui « reste un très grand pays, essentiel à l'équilibre du monde par son poids démographique, l'immensité de ses ressources, son influence multiséculaire sur beaucoup de ses voisins, la puissance toujours gigantesque de son armement nucléaire, (…) et sa présence maritime dans l'océan Pacifique ».

Incapacité à sanctionner ces géants du fait, en outre, de « (…) leur capacité de rétorsion à l'endroit de quelque nation qui les mette en cause (…) ».

Ce qui, l’on en conviendra aisément, «(…) fait perdre toute dignité aux dites sanctions et aux principes qui les régissent (…) » quand «les atteintes aux droits de l'homme ne sont sanctionnées que lorsqu'elles sont commises par des pays petits » ne respectant pas « (…) la sécurité physique, l'absence de délit d'opinion, la liberté de la presse, l'indépendance de la justice et le contrôle de la police par la justice ». Conditions « préalables à l'exercice régulier d'élections pluralistes loyales, faute de quoi ces dernières ne sont que comédie » de démocratie, jouée, on s’en doute, par des dictatures.

Or, nous ‘’réalpolitise’’ Michel Rocard, « on ne peut, et il est de mauvaise politique, de rompre les relations avec la moitié du monde ». CQFD.

C’est donc à ce point de l’analyse que se pose le débat qui préoccupera tous les Démocrates la prochaine décennie. La Démocratie française, à l’instar de tous les autres Démocraties, doit elle se permettre de sacrifier les valeurs morales et les principes de justices qui ont bâti notre société au nom d’une réalpolitik ? De surcroît, lorsqu’elle lui impose l’abandon des intérêts de pays qui respectent TOUS les critères rocardiens définis ci-dessus ? Tels les USA ou encore Israël.

-Doit elle refuser alors, comme l’éminence grise du PS Michel Rocard, son paraphe à l’Eurodéputé François Zimeray -alors en quête du quorum de signatures d’élus pour l’ouverture d’une enquête parlementaire et/ou judiciaire concernant les malversations palestiniennes commises sur les fonds alloués par l’UE- avant d’accorder son soutien sans réserve aux pétitions, telle celle des « Socialistes pour une Paix juste et durable au Proche-Orient » appelant, de fait, à un état bi-national en ‘’Palestine’’ à majorité musulmane ?

-Accepter toujours, au nom de cette réalpolitik, tel un Hubert Vedrine alors Ministre des Affaires étrangères la stigmatisation, à la CDH, d’Israël pour un massacre imaginaire à Djenine, ou encore tel un Dominique de Villepin -successeur à ce même poste- voter fermement la résolution du Conseil de Sécurité blâmant l’élimination d’un Ahmed Yacine, commanditaire d’assassins de centaines de civils et de tortionnaires de milliers d’autres blessés, PARCE QUE juifs ?

-Autoriser encore que France Télévision soit la voix public de cette ‘’idéologie’’ et serve de caisse de résonance aux seuls anti-israéliens, anti-sionistes, antisémites et américanophobes de toute la planète en mystifiant l’information proche-orientale et en préférant les speakers et pigistes de ces chaînes selon leurs appréciations des « résistances » palestinienne et irakienne ou aux nombres dévoilés ‘’d’infanticides’’ et autres ‘’meurtres’’ de civils commis par ces ‘’colons’’ et ‘’envahisseurs’’ honnis de par cette realpolitik ?

-Ou encore nier l’hostilité manifeste envers la communauté juive, avant de la camoufler, puis d’ignorer le nom et l’origine des antisémites ?

Bref ! Les Démocraties doivent elle plier devant cette realpolitik pour assurer le confort matériel de leurs sociétés ? Aux Démocrates de chaque nation, le soin de répondre à cette question engageant, qu’on le veuille ou non, l’avenir commun de la planète.

Pour ce qui est des Américains et Israéliens, la réponse est connue. Beaucoup de Démocrates, Européens notamment, sont d’ores et déjà acquis à leurs combats.

Nos sociétés des Droits de l’Homme sont entre leurs mains.

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